Les vins d’Espagne dans la cour des grands

Les vins espagnols

Par Sandrine Bavard

La viticulture espagnole a fait d’énormes progrès ces dernières années, devenant la nouvelle coqueluche des œnophiles.
Troisième producteur et exportateur de vins au monde, le pays est reconnu pour ses vins de qualité : Xérès, Cava, Rioja, Ribera del Duero, Priorat…

Comme dans tout le pourtour méditerranéen, la vigne a été introduite en Espagne il y a plus de 2000 ans par les Phéniciens qui ont fondé le poste commercial de Cadix au sud du pays.
Les Romains prennent le relais : ils étendent le vignoble, produisent des vins plus élaborés, et exportent massivement leurs produits dans tout l’Empire.
Les invasions germaniques au Ve siècle, puis la conquête musulmane au VIIIe siècle, mettent un coup d’arrêt à cette production.
Mais la culture viticole renaît au XVe siècle quand Ferdinand II d’Aragon et Isabelle de Castille mettent un point final à la Reconquista, chassant le dernier souverain musulman d’Espagne. Des religieux vont alors cultiver le vignoble autour des abbayes et monastères, de la Rioja à la Catalogne, en passant par la Galice. Le Ribadavia, consommé par les pèlerins de Compostelle, se fait connaître dans toute l’Europe.

Un vignoble qui se structure au XIXe siècle

Mais c’est réellement au XIXe siècle que le vignoble espagnol se structure, grâce au…phylloxéra. Ce puceron qui ravage les vignes du Nord de l’Europe oblige certains viticulteurs français à se réfugier dans une Espagne encore épargnée, important leur savoir-faire et leurs cépages : ils plantent du cabernet sauvignon, du merlot, du grenache… notamment les Bordelais dans la Rioja et à Ribera de Duero.
Dans le même temps, des vignerons espagnols créent de grandes bodegas comme les très réputées Vega Sicilia et Marqués de Murrieta, ou inventent de nouveaux vins comme le Cava en Catalogne, un vin mousseux proche du Champagne. Et quand le puceron débarque dans leurs contrées, ils ont la solution éprouvée dans d’autre pays d’Europe : l’arrachage et le greffage.

Un système d’appellations comme en France

L’Espagne prend très tôt le soin de protéger la réputation de ses vins, puisqu’un Consejo Regulador est créé dans la Rioja en 1926, avec un système d’Appellation d’Origine pour protéger la réputation de ses vins.
Aujourd’hui, l’Espagne a un système similaire à celui que l’on trouve en France, avec des vins répartis en plusieurs catégories.
Tout en haut de l’échelle, on trouve les DOC (denominación de origen calificada), puis les DO (denominación de origen) et le DO de pago attribué au vin d’une seule propriété.
Une qualité en-dessous, on trouve le vino de calidad con indicación geográfica (vin de pays supérieur), le vino de la tierra (vin de pays) et enfin le vino de mesa (vin de table).

Le pays aux mille cépages

On compte plus de 1000 cépages en Espagne, mais une vingtaine occupe presque toute la surface du vignoble.
Pour les cépages blancs, le plus répandu est l’airén (sur 450 000 ha), suivi du maccabeu utilisé pour les Cava, et le Malvoisie aux Canaries.
Pour les cépages rouges, l’essentiel de la production provient de quatre cépages : le grenache, le monastrell (ou mourvèdre), le bobal et le carignan.
L’Espagne utilise des cépages autochtones, comme la mencia, originaire de la Vallée del Duero, le tempranillo, le cépage-roi de la Rioja, le graciano, également originaire de la Rioja. Mais les cépages internationaux (cabernet, chardonnay, syrah, merlot…) se développent rapidement dans les nouvelles zones viticoles.

L’Espagne, dans la cour des grands

Qui sait aujourd’hui que la viticulture espagnole bat des records ? Elle dispose de la plus grande surface dédiée à la viticulture avec 1 million d’hectares (13,7% de la superficie du vignoble mondial total).
Elle est aussi le 3e producteur et exportateur au monde, et s’est même emparée de la première place devant la France et l’Italie en 2013 à l’issue de vendanges historiques.
L’Institut français de la vigne et du vin voit en l’Espagne un sérieux concurrent : « Renouvellement des installations avec l’appui des investisseurs privés et des aides européennes, libéralisation de l’encépagement, modernisation du style des vins, packaging sobre et attractif, excellent rapport qualité/prix et dynamique commerciale sont les atouts de la nouvelle Espagne, fer de lance du renouveau de la viticulture de l’ancien continent … ».

Des modes de production très disparates

Mais quantité rime-t-elle avec qualité ? Le plus grand vignoble d’Espagne, en Castille-La Manche, grande région au centre de l’Espagne, utilise simplement 12% de sa surface pour des vins d’appellations (La Mancha, Valdepeñas, Mondejar, Manchuela …).
Cette région, qui a recours à 45 cépages différents, suit un modèle très compétitif et libéral, pour proposer des vins à des prix défiant toute concurrence, pas toujours gage de qualité.
A l’opposé, une nouvelle génération de vignerons, travaillant en biodynamie ou en bio, mise sur l’excellence. Ainsi, Peter Sisseck, Danois qui s’est installé en Espagne dans les années 90 dans la Ribera del Duero, livre une cuvée de prestige : le Pingus.
Tout comme Alvaro Palacios, qui s’est établi en 1989 dans les collines du Priorat, pour élaborer l’Ermita. Deux vins rares, issus de vieilles vignes, vendus un peu moins de 1000 euros la bouteille.

Xérès, Cava, Rioja … des vins réputés

Entre ces deux extrêmes, de nombreux vins abordables et de qualité existent, provenant de toutes les régions et vendus dans le monde entier.
La Rioja, au nord de l’Espagne, est peut -être le vignoble le plus célèbre pour ses vins rouges, élevés en fûts de chêne américain : elle compte plus de 500 producteurs et des domaines viticoles réputés (Vega Sicilia, Marqués de Murrieta, Marqués de Riscal, Marqués de Cáseres…).
C’est la même reconnaissance internationale pour les vins de la Castille-et-León, réputée pour ses cinq appellations d’origine de part et d’autre du fleuve Duero : Rueda, Toro, Cigales, Bierzo et surtout Ribera del duero.
La Catalogne est aussi une autre région très appréciée des œnophiles. On y trouve le Priorat et le Montsant, des vins rouges élaborés à partir de ceps de grenache et carignan qui s’épanouissent sur ces terres escarpées.
Mais la grande spécialité de la région et plus particulièrement du Penedès, c’est le Cava, le vin mousseux élaboré de la même façon que le Champagne.
Autre région à tirer son épingle du jeu sur la scène internationale, l’Andalousie qui produit le fameux Xérès, un vin espagnol fortifié à l’eau-de-vie et vieilli en fût, dans la région de Cadix et son cousin la Montilla-Moriles au sud de Cordoue. Il se décline en multiples propositions, du plus sec au plus doux, du plus léger au plus charpenté : Fino, Oloroso, Manzanilla, Amontillado, Moscatel… et se déguste typiquement dans les tavernes (tabancos) de Jerez de la Frontera.

Peu importe la destination de votre voyage en Espagne, vous aurez toutes les chances de goûter à l’AOC locale : Rías Baixas en Galice, Txakoli au Pays Basque, Alicante à Valence, Jumilla en Murcie ou encore en Grande Canarie !